Pour rompre le rythme soutenu de notre avancée sur la route des merveilles touristiques du Chili, nous avons décidé de quitter un instant le sentier balisé pour faire quelques pas en dehors... Mais sortir des sentiers battus se mérite! A 5h30 du matin à Temuco, après le bus de nuit depuis Santiago, nous nous incrustons dans un bus d'étudiants en route pour la petite ville de Melipeuco... avec consigne de nous débarquer en plein campagne, au niveau du panneau "Thermes de Valboa". A partir de là c'est à pied, chargés de nos gros sacs à dos, que nous devons rallier le petit havre de paix Mapuche de Carlos et Marta. 2 km de balade dans la lumière du petit matin, à travers de verts paturages au pied du volcan Llaima.
Sur le sentier pour la Ruka Melilef
La ruka, maison traditionnelle Mapuche de bois et de bambous (très feng-shui! :-), nous attend posée dans une clairière, au lieu-dit Palihue-Pillan, le lieu où s'amusent les esprits.
La ruka, de bois et de bambou, au pied du volcan Llaima
Marta et Carlos nous accueillent chaleureusement. Ainsi ont commencé deux journées et demi en dehors du temps... Ces deux êtres ont eu une vie hors du commun... Nés Mapuche dans un pays oú les ethnies indiennes sont soigneusement acculturées par les espagnols, Carlos et Marta entrent au service de l'antenne Emmaüs de Temuco pour financer leurs études. En septembre 1973, le général Pinochet réussit son coup d'état et accuse Emmaüs de cacher des armes... Carlos et ses compagnons sont arrêtés et torturés. Grâce à l'intervention personnelle de l'Abbé Pierre, Carlos et Marta échappent à l'exécution à condition d'être exilés en France, où ils sont envoyés aussitôt. Après plus de 25 ans dans notre pays, enfin amnistiés, ils sont revenus vivre au Chili. Avec la Ruka Melilef, ils ont créé un projet d'agrotourisme équitable, avec l'idée de favoriser les échanges entre les cultures, ce qu'ils savent faire à merveille! Carlos aime faire les honneurs de sa terre, et nous expliquer la spiritualité Mapuche : les endroits pleins d'une belle énergie où il vient méditer, son respect pour l'eau, les arbres, la vie, la terre mère (Pacha Mama), et le déroulement des cérémonies.
Carlos et sa jument; Marta et le rite du maté
Marta aime raconter les contes Mapuche au coin du poêle en partageant un maté (infusion amère de Yerba Maté), ou nous informer des progrès de la redynamisation du Mapuchungun, la langue traditionnelle Mapuche. Elle nous soigne également à coup de bons petits plats à base de produits maison : légumes, fruits et miel bios, pain maison. Une expérience qu'on recommande très très chaudement!
Et pour ne rien gacher, la ruka est établie à quelques kilomètre du parc national Conguillio. Nous nous sommes lancés à l'aventure en stop et à pied (merci les ouvriers du coin travaillant à la construction d'une route qui nous ont maintes fois baladés dans leur voiture ou leur camion citerne!): champs de lave noire, volcan Llaima plus accessible que jamais, enneigé et sali par les cendres, lagunes émeraudes. Encore des km dans les pattes et de merveilleuses images dans les mirettes!