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mielamundi eco ethno travel, le carnet de root

Le Carnet de Root du Tour du Monde de Marie et Greg. 1 an de voyage de l'Amérique du Sud à l'Afrique Australe en passant par l'Asie, à la rencontre de la nature et des hommes...

Les chapatis de Shashi

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Nous sommes entrés (tiens, j'ai les accents sur ce clavier!) chez Shashi à 17h30 et n'en sommes ressortis, le ventre ballonné par tant d'agapes, qu'à minuit. Ca y est... nous avons enfin découvert la vraie cuisine indienne... celle des mères de famille, des cuisines simples mais propres, des épices dosées. En bons élèves appliqués sous l'oeil implacable et directif de notre mentor indien, nous avons pris bonne note des recettes et devrions être capables de reproduire ces petites merveilles à la maison (prenez un ticket pour la résa, on revient fin novembre!) : chai, nans et chapatis pour les pains, dhal (curry de lentille), pakoras (beignets de legumes) accompagnes d'un chutney de mangue ou de coriandre, curry de légumes, riz byriani aux légumes ou aux fruits ... entres autres.

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Ouh ca va être bon ca... des pakoras trempés dans un chutney de mangue...

Dans la cuisine de Shashi, il n'y a pas l'eau courante. On va la chercher à la pompe commune, deux rues plus loin. Les recettes de Shashi sont exclusivement végétariennes, car Shashi appartient à la caste des Brahmanes (la caste la plus élevée), régie par des règles très strictes. Dans la cuisine de Shashi, on réalise beaucoup de plats par-terre, assis à même le sol. Dans la cuisine de Shashi on apercoit quelques fois une souris se faufiler contre le mur. Cependant on n'y touche pas, parce que la souris est le "véhicule" du dieu Ganesh, qui porte chance! Quand les chapatis les souris dansent! :-) Mais dans la cuisine de Shashi, on se régale, on discute et on rit!

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Greg au fourneau pour la cuisson des chapatis

Les mains dans la farine, Shashi nous a raconté un peu de sa vie, et nous a donné un nouvel éclairage de la vie indienne. Suite à son mariage arrangé par ses parents, Shashi est venue vivre à Udaipur, au sein de sa belle-famille (tel est le lot de toutes les femmes indiennes... j'en connais beaucoup qui en rêveraient hein? d'aller vivre chez les beaux-parents! allez, je citerai pas de nom...:-). Elle avait 31ans quand son mari est mort. Contrainte par les règles de sa caste, elle a du observer un deuil strict : 45 jours assise derrière la porte de la pièce principale de sa maison (qui n'en compte que 2 : le salon-chambre et la cuisine!), couverte d'un sari, sans parler et sans manger de 6h du matin au coucher du soleil. Puis 1 an sans avoir le droit de sortir de chez elle. C'est son fils qui sort et achète le nécessaire pour vivre. Les autres femmes de sa caste sont venues briser ses bengels (bracelets colorés), prendre ses bijoux et ses saris de couleur. Désormais, elle ne pourra porter que des couleurs ternes. La seule coquetterie qui lui est autorisée est le bindi rouge entre les yeux. Elle n'a pas le droit de se remarier. Elle n'a pas le droit non plus de retourner dans sa famille. Et sa belle famille, qui n'a pas envie de s'encombrer d'un poids mort, ne lui adresse plus la parole, ne partage plus ses repas et lui coupe l'accès commun à l'eau et à l'électricité. Son mari décédé, elle n'a plus de revenus. Pour nourrir ses fils, elle va en secret nettoyer les maisons voisines avant le lever du soleil, et lave le linge des Guest House du coin. Mais une femme de la caste des brahmanes n'a pas le droit de s'abaisser à ces menus travaux là. Elle souffre conspuations et commérages, mais elle n'a pas le choix. Il faut manger.
Finalement, un touriste Irlandais qu'elle accueille dans sa maison lui donne l'idée de proposer des cours de cuisine. Effrayée, elle se lance pourtant sans connaitre un seul mot d'anglais. les premiers touristes apprennent en observant ses gestes, et lui donnent en échange les mots anglais pour illustrer tout ca. Aujourd'hui, 1 an et demi après, elle gagne sa vie, parle un bon anglais et s'est fait aider des touristes pour rédiger les recettes en 3 langues. Elle vit toujours dans le même immeuble que sa belle-famille, qui ne lui adresse toujours pas la parole mais continue d'exercer sur elle une pression continue : ses beaux-frères la suivent pour surveiller ses fréquentations, lui font subir un interrogatoire quand elle est restée un peu plus longtemps que d'habitude au marché etc... 9 ans après la mort de son mari, alors qu'elle n'a pas de compte à leur rendre. Ainsi va la vie des femmes brahmanes. Dans les castes moins élevées au moins, le re-mariage est autorisé, et les femmes endeuillées sont un peu plus libres.
Sur les 6 filles de la fratrie de Shashi, 3 ont des bons maris, 3 ont de mauvais maris qui contrôlent tous leurs faits et gestes, et les maltraitent. Mais elles n'ont pas d'échappatoire. Pas d'issue possible. Beaucoup de femmes réduites à ces situations se suicident en s'immolant ou en prenant des cachets. Ce système de castes dont tout le monde parle n'est pas vraiment visible dans la rue. Officiellement hors la loi, il pèse pourtant encore lourdement dans les relations sociales. On reconnait l'appartenance d'un individu à une caste grâce à son prénom. Par exemple, tous les membres de la caste des guerriers (la 2ème après les brahmanes) ont "Singh"dans leur nom. Shashi nous a également expliqué que la tradition veut, comme dans nombre d'autres pays, en particlulier musulmans, que les parents de la mariée payent une dot aux parents du marié. Un investissement financier parfois très lourd pour une famille modeste. Le mariage d'une fille coûte donc très cher, surtout quand le mari a fait des études ou a un bon travail. Alors de nombreuses familles ont, depuis des années, recours à l'avortement ou à l'abandon des foetus pour n'avoir que des garcons. Aujourd'hui, la population indienne est déséquilibrée. Il y a trop peu de femmes pour le lot de jeunes hommes en âge de se marier. La tendance est donc en train de s'inverser... Dans les castes plus basses, les parents du fiancé peuvent maintenant être amenés à payer la famille de la fiancée pour echapper à la pression concurrentielle!
Bref, Shashi nous a ouvert les portes des saveurs indiennes mais aussi de sa vie quotidienne, et on a passé un vrai très bon moment d'échange et de questions réciproques. Une vraie gentille petite n'indienne qui vient contrebalancer toutes les mauvaises expériences humaines qu'on a pu avoir avec quelques uns de ses concitoyens! Une belle energie, et beaucoup d'émotion au moment de la séparation. Elle m'a passé un petit bracelet à grelot au poignet, pour me porter chance, et espère nous revoir dans sa maison, avec des enfants! On aurait aimé rester un peu plus longtemps et répondre à son invitation de venir passer la matinée du lendemain avec elle, mais nos billets de bus pour Jodhpur étaient achetés. Et il nous a éte impossible de les changer. A contre-coeur, nous avons donc quitté Udaipur et laissé la belle Shashi derrière nous...

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C
Ben oui !! <br /> l'idée d'aller vivre dans ma belle famille m'a fait frémir ... alors je me suis senti concerné par le destin de cette femme !!<br /> <br /> bonne continuation ... au plaisir de vous lire !!<br /> <br /> grosses bises
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M
<br /> :-))) beau papa et belle maman ont encore les oreilles qui sifflent! :-))<br /> Bisous les voisins et a bientot<br /> <br /> <br />
C
Merci pour cette petite histoire et cet eclairage sur la societe Indienne ... c est toujours un plaisir de vous lire !!
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M
<br /> Cedric from ex-ganneron street??<br /> <br /> <br />
N
ben moi je réserve !
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M
<br /> not expensive, hundred roupies my friend, come to my restaurant!<br /> c'est note chief! on s'appliquera!<br /> bisous<br /> <br /> <br />
P
bonjour<br /> elle est vraiment très jolie cette histoire et le sort des femmes sur cette terre est encore loin d'être réglé pour tout le monde de la même façon . <br /> j'attends la suite avec impatience
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M
<br /> Shashi nous a marques, oui, et on admire son courage et sa force. Et on est heureux de vous faire partager son histoire! On continue la route, pour croiser, j'espere, de nouvelles belles<br /> personnes.<br /> Bises<br /> <br /> <br />